La Suisse, dernier bastion du droit du sang dans une Europe convertie au droit du sol ?

25.01.2017 , in ((Naturalization, Politik)) , ((Keine Kommentare))

Le 12 février, les citoyens et citoyennes suisses prendront de nouveau le chemin des urnes pour se prononcer sur une réforme a minima du code de la nationalité. Alors que dans la plupart des pays européens un tel changement législatif emprunte la voie parlementaire, la Suisse se distingue par le recours à la démocratie directe. Ou se place la législation helvète actuelle du droit du sol par rapport à ses voisins ? Quelles seraient les implications d’un éventuel succès du référendum sur les perspectives d’intégration des jeunes concerné⋅e⋅s ?

Si l’histoire est vouée à se répéter, les votations précédentes ne laissent guère de doute sur l’issue du scrutin. Dès 1928, près de deux tiers des votants avaient soutenu le projet de loi mettant un terme à la liberté laissée aux cantons d’introduire un élément de droit du sol dans leur propre législation d’octroi du droit de cité. Plus récemment, une majorité de votants et de cantons ont rejetés les projets de loi successifs visant à faciliter la naturalisation de certaines catégories d’étrangers (1983), puis des personnes nées en Suisse issues de la deuxième et troisième génération d’immigration (en 2004). En 1994, la courte majorité populaire en faveur de l’introduction d’une procédure facilitée pour les jeunes s’est heurtée au verrou fédéral de la double majorité, seuls neuf cantons et demi soutenant le projet.

Le droit du sol en Europe : Un tour d’horizon

Le droit du sol ‘inconditionnel’ – soit sans aucune contrainte liée aux nombre d’années passées dans le pays ni même à la légalité du statut de résidence des parents – est une norme solidement ancrée dans la tradition constitutionnelle des états américains du Canada au Chili, et plus généralement des pays traditionnels d’immigration, comme la Nouvelle Zélande ou l’Australie.

En Europe, depuis son abrogation par le peuple irlandais par voie référendaire en 2004, il ne subsiste qu’en Moldavie, un pays davantage préoccupé par l’hémorragie de ses propres citoyen⋅ne⋅s que par l’immigration. Toutefois, un droit du sol ‘qualifié’, c’est-à-dire soumis à des conditions d’âge ou de résidence et s’appliquant à la première et/ou deuxième génération, existe dans de nombreux pays, au premier rang desquels figurent la France, le Royaume Uni, l’Irlande, les Pays-Bas, le Portugal, et plus récemment l’Allemagne. Par ailleurs, les quelques états récalcitrants disposent d’alternatives au droit du sol stricto sensu, garantissant un accès facilité à la citoyenneté aux jeunes ayant effectué tout ou partie de leurs études dans le pays, à l’instar de l’Autriche ou encore du Danemark. Le graphique, élaboré à partir des données de l’Observatoire GLOBALCIT de l’Institut Universitaire Européen de Florence, mesure le degré d’inclusion des lois d’accès à la citoyenneté au sein de l’Europe des 15 et la Suisse, sur une échelle allant de 1 (inclusion maximale) à zéro (exclusion maximale).

blog_arrighi

Source : CITLAW indicators, GLOBALCIT / Visualisation : Andreas Perret

La Confédération apparait comme le seul pays ne disposant ni d’élément de droit du sol dans son code de la nationalité, ni d’aucun des mécanismes alternatifs mentionnés plus haut. La législation fédérale prévoit par ailleurs les conditions de naturalisation les plus restrictives d’Europe occidentale. La course d’obstacle vers le passeport helvète est rendu plus difficile encore par les marges de manœuvre importantes laissées aux cantons et communes tant sur le plan législatif que des procédures, donnant lieu à de profondes et persistantes inégalités territoriales. Le verdict est sévère : le code de la nationalité suisse occupe la dernière place du classement européen, lui-même beaucoup moins généreux à l’égard des enfants d’immigrés que la norme outre-Atlantique.

So what ? Implications pour les « enfants de la Suisse »

Si la réglementation soumise au vote s’avère beaucoup moins ambitieuse que le projet initial proposé par la conseillère nationale vaudoise Ada Marra, sa portée symbolique n’est pas négligeable. En introduisant un élément territorial dans une conception de la nationalité aujourd’hui essentiellement perçue comme un privilège ethnique – au sens propre, soit transmis par le sang –,la Suisse pourrait se réconcilier avec sa promesse originelle : celle de la Willensnation, selon l’expression consacrée du constitutionaliste Carl Hilty, célébrant la volonté d’appartenance à une seule communauté au-delà des différences linguistiques ou confessionnelles de ses membres. Elle renouerait alors avec sa vocation historique, que l’intellectuel français Ernest Renan envisageait dès la fin du 19ème siècle comme la quintessence d’une nation conçue comme un ‘plébiscite de tous les jours’, à l’inverse de l’exaltation du Volk de la plupart des Etats nations européens d’alors.

Plus concrètement, la naturalisation facilitée donnerait accès à deux institutions centrales du processus d’intégration dont trop de jeunes, bien que né⋅e⋅s et socialisé⋅e⋅s en Suisse, sont actuellement privé⋅e⋅s. D’une part, le droit de vote et de se porter candidat⋅e à tous les échelons – communal, cantonal et fédéral –, fondamental dans un pays ou le recours à la démocratie directe est si fréquent. Leur mise à l’écart de la prise de décision démocratique nuit à légitimité de lois auxquelles ils/elles sont soumis⋅e⋅s sans leur consentement par le biais des urnes. Plus important encore, elle les éloigne de l’apprentissage d’une citoyenneté active et les empêche de contribuer à la formidable vitalité de la société civile helvète. D’autre part, l’obligation du service militaire ou civil pour les jeunes hommes. Quoi que l’on pense du bien-fondé du service obligatoire, il n’en demeure pas moins un puissant vecteur d’intégration tant inter-confédéral, (rapprochant les jeunes issus de différentes aires linguistiques ou confessionnelles), qu’inter-générationnel, par un contact étroit avec ceux qui les ont précédés et jouent un rôle déterminant dans leur formation. La Suisse renouera-t-elle avec son mythe fondateur ? Réponse, le 12 février.

Jean-Thomas Arrighi
PostDoc, nccr – on the move, Université de Neuchâtel

 

Etwa 25% der über 18jährigen Personen, die in der Schweiz leben, haben auf Bundesebene kein Recht auf politische Mitwirkung, weil sie nicht eingebürgert sind und demzufolge keinen Schweizer Pass besitzen. Im Vorfeld zur Abstimmung über die erleichterte Einbürgerung von Personen der dritten Ausländergeneration, die am 12. Februar 2017 stattfindet, publiziert der «nccr – on the move» eine Reihe von Blog-Beiträgen mit Daten und Fakten zur Einbürgerung in der Schweiz.

Print Friendly, PDF & Email