Référendum sur la « restructuration du domaine de l’asile »

23.05.2016 , in ((Politics)) , ((No Comments))

Le 5 juin prochain, le peuple suisse s’apprête, suite à l’aboutissement du référendum demandé par l’UDC, à voter sur une modification de la loi sur l’asile dite « restructuration du domaine de l’asile » dont le but est d’accélérer le traitement des demandes d’asile. Le débat public est fort : s’agit-il d’une bonne loi ou d’un mauvais compromis ?

L’origine de l’actuelle modification de la loi sur l’asile (LAsi) se trouve dans deux messages du Conseil fédéral de 2010 et 2011. Sur la base de ces documents, le Parlement fédéral a décidé de séparer cette révision de la loi sur l’asile en trois « projets » distincts dont deux (projet 3 : mesures urgentes et projet 1 : autres mesures non-urgentes) sont déjà entrés en vigueur respectivement en septembre 2012 et janvier 2014.

Reste donc le projet 2, celui de la restructuration de l’asile proprement dite, qui, suite à une demande de référendum, sera soumis au peuple suisse le 5 juin prochain. Cette dernière partie de la révision a pour but d’ancrer dans la loi les mesures urgentes instaurées en 2012 et en particulier la nouvelle procédure telle que prévue jusque-là dans l’ordonnance sur les phases de test.

Les grandes mesures de la restructuration du domaine de l’asile

Le Parlement fédéral a divisé la restructuration de l’asile en cinq « blocs » différents, divisant ainsi le contenu en fonction des grandes mesures à mettre en œuvre. En voici les principales:

L’une des grandes nouveautés apportées par la restructuration du domaine de l’asile est la centralisation des procédures d’asile dans les centres de la Confédération. En effet, depuis le début de la réflexion (voir le rapport du GT Confédération/cantons du 21.11.2012, p. 5) sur l’accélération du traitement des demandes d’asile, il a été évident qu’une véritable accélération passerait nécessairement par un regroupement dans une même structure des différentes composantes du processus (hébergement des requérants, fonctionnaires du SEM, œuvres d’entraide et assistance juridique, analystes pays, etc.).

La création de centres fédéraux dans lesquels sont regroupés tous les intervenants entraîne nécessairement des changements dans la procédure de traitement des demandes d’asile en première instance. Dorénavant, toute procédure débutera dans un Centre fédéral par une phase préparatoire dont le but est de recueillir les données personnelles des requérants, de vérifier les moyens de preuve et de détecter les cas Dublin. Suite à cette 1e phase, les requérants entreront dans la procédure accéléré (qui, de fait, deviendra la nouvelle procédure ordinaire) durant laquelle aura lieu l’audition sur les motifs d’asile. Ce n’est que suite à cet entretien et uniquement dans les cas où cela s’avère nécessaire que la procédure étendue sera mise en œuvre, entraînant l’attribution des requérants concernés aux cantons. La durée maximale de la procédure dans les centres de la Confédération est de 140 jours.

Toujours dans le but d’accélérer les procédures mais également afin d’assurer le respect des droits des requérants d’asile et des principes de l’Etat de droit, le projet de loi soumis au référendum prévoit l’octroi à tous les requérants d’asile d’une assistance juridique gratuite (conseil et représentation) pour l’ensemble de la procédure dans le centre fédéral. Conséquence de cette assistance juridique gratuite ainsi que de la présence en un seul lieu de l’ensemble des acteurs de la procédure, les délais de recours et de traitement des recours sont nettement réduits (particulièrement dans la procédure accélérée, où le délai de recours passe de 30 à 7 jours).

Mentionnons encore des modifications dans les domaines de l’aide au retour (encouragement des retours volontaires le plus tôt possible), de l’aide sociale et en vue d’accélérer les procédures administratives d’approbation des plans pour les nouveaux centres fédéraux.

Une loi de compromis est-elle une bonne loi ?

Au vu de la campagne actuelle, force est de constater que, s’il est défendu par la grande majorité des partis politiques, le projet proposé au vote trouve des détracteurs aussi bien à gauche qu’à droite, certains lui reprochant de rendre le pays trop attractif alors que d’autres le jugent trop restrictif envers les réfugiés.

Du point de vue juridique, les deux mesures principales d’accélération que sont le raccourcissement des délais et la centralisation des procédures dans les centres fédéraux sont critiquées en raison de leur potentielle contrariété aux normes constitutionnelles offrant des garanties générales de procédure [art. 29 de la Constitution fédérale (Cst.)] et garantissant la liberté de mouvement (art. 10 al. 2 Cst.). D’autres mesures du projet sont également sous le feu des critiques. C’est le cas notamment de la nouvelle procédure d’approbation des plans en raison de l’éventuel risque d’expropriation qu’elle crée  ou de l’assistance juridique pour son rôle présumé de pull-factor et son risque de manque d’indépendance.

Il est parfois dit que si une loi est critiquée par l’ensemble des acteurs c’est qu’elle est bonne car elle ne satisfait pleinement personne mais représente le meilleur compromis entre les différents intérêts en jeu. La modification proposée est clairement à ranger dans la catégorie des compromis et, si certains semblent préférer le statu quo à la révision proposée, il est important de réaliser que celui-ci n’est plus d’actualité et que si le projet actuel ne passe pas la rampe il sera remplacé par un autre qui, au vu de la composition actuelle du Parlement fédéral, a de bonnes chances de ne plus être un compromis.

Didier Leyvraz
Assistant et doctorant en droit des migrations, Université de Neuchâtel

 

Pour de plus amples informations

Martina Caroni/Nicole Scheiber (sur mandat des juristes démocrates de Suisse), Expertise concernant des questions juridiques en lien avec la restructuration dans le domaine de l’asile et l’accélération de la procédure d’asile (août 2015) (et résumé en français).

Site internet du Centre de droit des migrations, rubrique « Thématiques actuelles » : la modification de la loi sur l’asile.

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