Voyager légalement : un privilège associé à la nationalité ?

28.09.2017 , in ((Experiences)) , ((Pas de commentaires))

Pour les personnes en quête de protection, il n’y a que très peu de possibilités d’entrer légalement en Europe. Cette lacune les oblige à emprunter des voies dangereuses. 

Le plus souvent obtenue à la naissance, parfois par naturalisation, la (ou les) nationalité(s) que l’on possède nous semble aller de soi, au point que l’on s’interroge rarement sur les avantages qu’elle nous procure. Elle contribue pourtant à ouvrir ou fermer certaines portes, influençant ainsi différents aspects de notre vie.

Des accès différents

Le Global Passport Power Rank indique notamment que les citoyen·ne·s d’Allemagne et de Singapour peuvent voyager sans visa dans 158 pays, tandis que les citoyen·ne·s d’Afghanistan, du Pakistan, d’Irak et de Syrie ont accès à moins de 30 Etats. De même, le Quality of Nationality Index place l’Allemagne, le Danemark et la Finlande au rang des pays qui offrent les nationalités les plus avantageuses, tandis que la République démocratique du Congo, l’Afghanistan et la République centrafricaine arrivent en queue de liste. Alors que le premier classement se base uniquement sur la possibilité de voyager sans visa, le second classement prend en compte des facteurs tant internes aux pays concernés (niveau économique, indice de développement humain, paix et stabilité) qu’externes (possibilité de voyager sans visa ou de vivre et travailler à l’étranger sans formalités encombrantes) pour établir la « qualité » de différentes nationalités.

Des avantages qui s’achètent

Un nombre croissant de pays et d’entreprises misent sur les avantages liés à certaines nationalités en proposant des programmes d’investissement censés déboucher sur l’obtention de nouveaux passeports. Par exemple, l’entreprise CS Global Partners conseille les personnes intéressées à obtenir une nationalité supplémentaire auprès d’Etats tels que Malte, Chypre, Grenade, Antigua-et-Barbuda, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie et la Dominique. Dans ces pays, la naturalisation est accessible pour des sommes allant d’un peu moins de 110’000 USD pour Sainte-Lucie à plus de 2 millions pour Chypre. L’avantage principal de ces passeports est de permettre un accès facilité à des pays tels que les Etats-Unis, la Chine ou l’Union européenne. Selon CS Global Partners, cités dans le magazine Belong (n° 5, hiver 2016, p. 9): « The advantages that come with holding multiple citizenships are varied. Among these are the right to hold citizen status for life, and to pass that status onto children. Freedom of movement, broadened rights to live, work, and facilitate access to a wider range of educational institutions. »

Des privilèges inégalement distribués

Les avantages liés à différentes nationalités sont donc inégaux et incitent à reconsidérer notre position au sein d’un monde structuré par des frontières plus ou moins poreuses. Ainsi, si certaines personnes peuvent passer leurs vacances à l’autre bout du monde pour une infime portion de leur salaire, d’autres s’endettent pour traverser illégalement certains espaces dans des conditions extrêmement dangereuses. Bien que l’on s’enorgueillisse souvent d’avoir abolis les privilèges de la noblesse pour déclarer que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », notre naissance – dont dépend en grande partie notre nationalité – continue, dans les faits, de déterminer bon nombre des avantages dont nous jouissons. Et même si certaines nationalités peuvent de nos jours s’acheter, leur acquisition demeure le privilège d’un petit nombre.

Laure Sandoz
Doctorante, nccr – on the move, Université de Bâle

 

À l’origine, ce billet a été publié le 16 août 2017 sur le blog Des faits plutôt que des mythes. Les débats publics sur l’asile et la migration sont souvent empreints de mythes et d’opinions, sans que soit prise en considération la réalité des faits. En collaboration avec le Réseau suisse de jeunes chercheurs et chercheuses en études des migrations, l’OSAR souhaite questionner ces mythes et alimenter ainsi objectivement le débat.

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